REPRISE D'ENTREMONT-ALLIANCE PAR SODIAAL Un chèque en blanc demandé aux éleveurs

L'acquisition d'Entremont par Sodiaal est quasiment bouclée. La coopérative la juge en tout cas suffisamment avancée pour être partie à la rencontre des éleveurs Entremont, organisant trente-huit réunions en novembre pour convaincre les Bretons d'adhérer. L'option est claire : soit les éleveurs acceptent de devenir sociétaires, soit ils refusent. Dans le premier cas, ils s'engagent à verser du capital social pour un montant de 6,20 €/1 000 l(1) pendant cinq ans. Sodiaal garantit à ces éleveurs la collecte de leur lait durant une période de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction. Le prix payé sera identique à celui que perçoivent les autres adhérents, avec une flexibilité additionnelle de tranche 5, dans la limite des grilles interprofessionnelles régionales. Pour ceux qui ne souhaitent pas adhérer, la collecte reste assurée pendant dix-huit mois. Ensuite, c'est l'inconnu. Le prix du lait sera celui des accords interprofessionnels, avec une flexibilité maximale (tranche 9) du fait du mix produit d'Entremont.

Les éleveurs sont coincés

Sodiaal voudrait qu'une majorité des Entremont accepte d'entrer au capital. Mais elle s'adresse à des éleveurs qui ont fait le choix du privé à une époque (Entremont historiques), et à des déçus de la coopération (Unicopa). Ensuite, en ne disant rien de son projet industriel, Sodiaal a du mal à convaincre. Tout au plus, on apprend qu'avec un abandon de créances de 110 M€ par les banques, et l'apport de 100 M€ par Sodiaal (merci Yoplait !), l'endettement reviendra à un niveau acceptable. Sodiaal annonce aussi son intention d'investir 70 M€ dans les usines de fabrication d'emmental, pour en améliorer la performance.

Mais on sait que la chute d'Entremont est due à un mix produit trop orienté vers les produits industriels (40 %). Que fera Sodiaal pour l'améliorer ?

Cela reste un mystère.

En outre, Sodiaal impose aux éleveurs de trancher avant le 31 décembre. Une condition nécessaire à la représentation de la Bretagne au conseil d'administration. En effet, pour pouvoir voter ou se porter candidat en 2011, il faut être adhérent en 2010. Mais ce délai est jugé bien trop court pour prendre une telle décision. « Vous nous mettez le couteau sous la gorge », réagit un éleveur dans le Finistère. « Vous avez le choix », rétorque François Iches, président de Sodiaal. Mais les éleveurs sont bel et bien coincés. Ceux qui ont tenté de trouver un autre acheteur pour leur lait ont le plus souvent fait chou blanc.

À l'issue des réunions, beaucoup sont désabusés. « On n'a aucune raison de faire confiance à Sodiaal. Rien ne nous prouve qu'ils feront mieux qu'Entremont. Mais peut-on prendre le risque de ne pas adhérer ? », s'interrogent nombre d'entre eux. Chacun devra choisir individuellement, voire sous la pression des techniciens qui s'apprêtent à vendre le projet en campagne. François Iches annonce d'ores et déjà que Sodiaal avancera, quel que soit le taux d'adhésion.

PASCALE LE CANN

(1) 2,40 €/1 000 l de capital statutaire et 3,80 € pour s'aligner sur les autres adhérents de Sodiaal.